La santé au travail dans le secteur hospitalier est un sujet de préoccupation des établissements de santé. En effet, les professionnels de santé sont souvent confrontés à des facteurs de risques qui peuvent affecter leur bien-être physique et psychologique. Parmi ces risques, les troubles musculo-squelettiques (TMS) occupent une place importante en raison des multiples contraintes physiques liées aux tâches quotidiennes.
En milieu hospitalier, le nombre de Troubles Musculo-Squelettiques ne cesse d’augmenter. Ils sont une source de problèmes d’organisation et ont un impact important en matière d’absentéisme et de turn-over. Les directions qui souhaitent promouvoir ou pérenniser leur démarche de prévention doivent régulièrement s’assurer que les salariés sont informés sur les facteurs de risques de survenue de ces pathologies. Ils seront d’autant plus volontaires et impliqués dans la démarche qu’ils en connaîtront les enjeux. La prévention des TMS est donc un enjeu majeur pour protéger la santé des salariés et assurer une bonne qualité des soins aux patients.
Dans cet article, on va se concentrer sur les troubles musculo-squelettiques dans le secteur hospitalier.
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I- Pourquoi aborder la prévention des troubles musculo squelettiques dans le secteur hospitalier ?
Pour entrer dans le cœur du sujet, je vous réexplique brièvement ce que sont les TMS : les troubles musculo-squelettiques sont officiellement reconnus comme des affections professionnelles. Ils regroupent un ensemble de pathologies qui affectent principalement les muscles, les articulations, les ligaments, les tendons, les vaisseaux sanguins et les nerfs au niveau des articulations. Ils se manifestent par des symptômes tels que la douleur, associée à des raideurs, de la maladresse, ou une perte de force.
La prévention des TMS au travail dans le secteur hospitalier est un enjeu majeur pour le bien-être du personnel soignant. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 2,3 millions de jours de travail perdus chaque année en raison des arrêts de travail liés aux TMS
- 95% des maladies professionnelles reconnues dans le domaine sont liées à des TMS.
Ces statistiques alarmantes démontrent l’ampleur du problème et l’impact significatif sur la capacité des établissements de santé à fonctionner de manière optimale.
Avant de mettre en place une action de prévention efficace, il est nécessaire d’identifier les causes de ces TMS. Connaissez-vous les 3 principales raisons du développement des TMS au sein de vos structures ?
Pas encore ? pas de panique, je les énumère rien que pour vous !
A. Le port de charge
Les TMS liés à la mobilisation de patients sont associés au port de charges lourdes. Ce port de charges représente le facteur de risque principal de
TMS au sein des structures sanitaires et médico-sociales, lieux où les manipulations et les portés se font de manière récurrente. En effet, certaines tâches comme la manutention ou le transfert de patients représentent une part importante de l’activité professionnelle des soignants, imposant des fortes contraintes sur leur corps. Le port de charge, souvent dans des postures inconfortables, peut conduire à l’apparition de TMS.
B. Le manque de moyen
Aujourd’hui, de plus en plus de dispositifs de transfert permettant le port de charges lourdes sont conçus en vue d’améliorer le bien-être des salariés au travail. Ces dispositifs ont un double avantage : ils soulagent les patients mais aussi les soignants en leur évitant tout port de charges direct pouvant augmenter les contraintes physiques sur leur corps, notamment lors du déplacement du patient entre le lit et le fauteuil, lors de la réalisation de soins…. Cependant, de nombreux établissements de soin ne sont pas suffisamment équipés ou le personnel n’est pas sensibilisé à l’utilisation de tels équipements. Dans les deux cas, il est primordial d’investir dans ce type d’outils pour soulager les TMS de vos soignants.
C. Le danger de l’exposition
Le risque de TMS est accru, car la notion de risque est définie par la synergie majeure entre le danger et l’exposition dans une situation de mobilisation. Ici, le danger est la mobilisation, et la situation de mobilisation est une situation très
récurrente pour les IDE et AS, notamment en EHPAD. Il est donc nécessaire d’agir sur une lecture précise des situations médicales pour adapter les techniques de mobilisation en fonction de la dépendance du patient.
Les TMS sont différents selon les spécificités métiers de chaque personne et je vous propose de les passer en revue pour une meilleure compréhension des risques auxquels les salariés s’exposent.
II- TMS au travail : des pathologies selon la profession
A. Spécificités des TMS chez les aides-soignants
Les aides-soignants effectuent des soins qui impliquent souvent de soulever des patients, ce qui les expose particulièrement aux TMS des membres supérieurs et du dos. En effet, plus de la moitié de leurs TMS concernent le tronc, en mettant l’accent sur la région lombaire, où ils sont particulièrement touchés par des réactions à l’effort et à la répétitivité. Les portés de patients constituent un facteur de risque majeur pour le personnel soignant.
B. Risques de TMS pour les brancardiers
Les brancardiers sont exposés à un risque élevé de TMS touchant les membres supérieurs, le rachis, et les membres inférieurs. Leurs multiples manutentions de patients et leurs déplacements fréquents dans les couloirs les exposent davantage à ces problèmes pendant l’exercice de leur activité professionnelle.
C. TMS chez les Infirmiers
Les infirmiers, également vulnérables aux TMS touchant le tronc et la région lombaire, sont confrontés à des défis liés à la répétitivité et à l’effort. Ces troubles sont attribués à des réactions physiques plutôt qu’à des mécanismes de blessure.
Au sein de vos structures hospitalières, le personnel soignant n’est pas le seul à être touché par les TMS. Le personnel en cuisine, les ASH et l’administration sont aussi exposés aux TMS. Les deux premiers portent également des charges lourdes avec le transport de produits ménagers ou encore se penchent régulièrement pour réaliser le nettoyage.
III- Stratégies de prévention des TMS dans le secteur hospitalier
La prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) en milieu hospitalier est cruciale, car ces troubles persistent en dépit des efforts déployés par vos équipes.
A. Prévention primaire des TMS – avant l’arrivée de la maladie
La prévention primaire des TMS au travail vise à anticiper les risques en amont en agissant sur l’organisation du travail, les équipements, et l’activité physique. C’est ce que fait Tricky avec des actions de formation en amont de l’apparition des maladies. La prévention primaire des TMS au travail est entravée par divers obstacles, notamment le manque de personnel, d’aménagements, d’équipements et de temps. Par exemple, une aide-soignante en EHPAD peut se retrouver contrainte d’effectuer seule la manutention de personnes grabataires, exposant ainsi les soignants à des risques de TMS au travail.
B. Prévention secondaire des TMS – après l’apparition des premiers symptômes
La prévention secondaire intervient après l’apparition des premiers symptômes. Son objectif est de limiter, corriger et traiter ces atteintes pour éviter qu’elles ne deviennent chroniques. Elle se concentre sur les individus en leur fournissant des outils et des ressources pour réduire l’exposition aux facteurs de risque. La prévention secondaire des TMS est insuffisamment développée, malgré les recommandations visant à veiller à l’organisation des réunions et des formations. Pourtant, la sensibilisation pourrait réduire de manière significative les TMS au travail.
C. Prévention tertiaire des TMS – lorsque la maladie est installée
La prévention tertiaire des TMS consiste à mettre en place des démarches pour réparer des dommages et réduire des incapacités liées à une maladie professionnelle déjà installée. Elle vise à faciliter le retour au travail dans les meilleures conditions en adaptant les postes et les rotations. Elle implique donc la mise en place de mesures ergonomiques visant à modifier les conditions de travail. Cela comprend l’adaptation des postes de travail et l’éducation thérapeutique pour réduire les risques de TMS au travail et améliorer la qualité de vie de vos soignants.
III- Solutions pratiques pour prévenir les TMS au travail
Outre ces actions, dont la mise en place est indispensable, d’autres mesures sont à promouvoir ou à mettre en œuvre pour prévenir les TMS au travail.
A. Gestes prudents au travail
Il est essentiel que les professionnels soignants effectuent des gestes prudents pour éviter les TMS au travail. Les soignants débutants peuvent demander conseil à leurs collègues plus expérimentés, car des gestes bien exécutés lors des actions de manutention et de soin peuvent diminuer les contraintes exercées sur le corps et ainsi peuvent de manière significative les risques de TMS. L’inverse est également vrai, les nouvelles recrues peuvent montrer les nouveaux gestes appris sur les bancs de l’école à leurs collègues déjà en poste.
B. Utilisation des équipements de sécurité
L’utilisation des équipements de sécurité et d’aides à la manutention est utile pour la prévention des TMS. Les lève-personnes, les verticalisateurs, les planches de transfert et d’autres dispositifs sont essentiels. Ils réduisent les risques de TMS au travail et peuvent prévenir les blessures.
Cependant, les croyances concernant l’utilisation de tels dispositifs ont la peau dure ! Les a priori des soignants sur le confort du résident et sur la rapidité de la mobilisation avec une méthode mécanique n’incitent pas à son utilisation. Alors même si votre établissement est équipé, vos équipes n’ont peut être pas l’automatisme d’utiliser ces dispositifs. Déconstruire les croyances pour réduire les risques de TMS est alors primordial (je prêche ma paroisse, c’est ce que propose Tricky dans sa formation sur les TMS).
À noter tout de même que l’utilisation de tels dispositifs est soumise à une formation préalable afin qu’ils soient exploités de manière efficace et contrôlée. Leur mauvaise utilisation peut constituer une source de danger potentielle pour vos soignants.
C. Activité physique adaptée et échauffement
Les professionnels de la santé peuvent également prévenir les TMS au travail en pratiquant une activité physique adaptée pour renforcer les muscles les plus sollicités. De plus, un bon échauffement articulaire, de la tête aux pieds, permet de prévenir le risque de TMS récurrents et améliore la condition physique. Par conséquent, l’adoption d’une routine d’activité physique adaptée et d’échauffements appropriés doit faire partie intégrante de la vie professionnelle de vos soignants pour lutter contre les TMS. On parle ici de 10 min top chrono avant la prise de poste pour effectuer un réveil musculaire.
Ici, il est impératif de comprendre que la santé et le bien-être de votre personnel soignant sont en jeu. En investissant dans des actions de prévention plus efficaces, en sensibilisant les professionnels de santé et en encourageant l’adoption de bonnes pratiques, vous avez le pouvoir de réduire de manière significative l’impact dévastateur des TMS au sein de vos établissements. Cela ne concerne pas seulement la santé physique, mais aussi la qualité de vie au travail pour ceux qui se consacrent à prendre soin des autres.
La prévention des TMS ne se limite donc pas à une simple obligation, mais elle incarne une responsabilité collective envers vos salariés. En adoptant une approche proactive et en mettant en œuvre des politiques de prévention efficaces, nous pouvons, main dans la main, créer un environnement de travail plus sûr, plus sain et plus productif, garantissant ainsi des soins de qualité pour le patient. Pour cela, chaque personne qui peut avoir un risque de TMS au sein de votre établissement de santé doit être intégrée dans cette démarche.